À méditer
«Inciter à toute sorte de vertus»: ce quatrième et dernier fondement de la Compagnie de Ste-Ursule est un programme de vie qui semble nous être si contemporain que nous sommes surpris de lire que sa fondatrice, Anne de Xainctonge, le conçut au début du XVIIe siècle.
«Inciter à toute sorte de vertus» correspond à notre idéal moderne d’autonomie, en ce que cette devise nous confie le soin de choisir la ou les vertus que nous souhaitons cultiver. Cette liberté de choisir se révèle néanmoins difficile à exercer, puisque cela suppose que nous sachions ce que c’est qu’une vertu: quelles sont ces qualités du cœur et de l’esprit qu’il faudrait promouvoir? Comment savoir s’il s’agit d’une vertu ou d’un vice? Dans la tradition philosophique, les vertus sont nommées, définies, expliquées. Ainsi Platon établit-il les vertus cardinales: la prudence, la tempérance, la force et la justice. Dans son Ethique à Nicomaque, Aristote, élève de Platon, nous enseigne que la vertu est une disposition propre à l’âme par l’exercice de laquelle l’homme et son œuvre deviennent meilleurs. Plus près de nous, le philosophe André Comte-Sponville revient sur le catalogue classique des vertus et l’accommode à notre sensibilité moderne. Ainsi fait-il de la tolérance une vertu.
D’une certaine manière, l’esprit au fondement de la Communauté de Ste-Ursule devance ou dépasse ces efforts de systématiser les vertus en ce qu’il nous invite à découvrir par nous-mêmes que cette excellence humaine révèle notre filiation divine dans sa plus belle lumière. Il faut relire les philosophes et les Ecritures – en particulier St Paul qui établit les vertus théologales: la foi, l’espérance et la charité – mais nous savons au plus profond de nous-mêmes que cette fortitude (virtus en latin signifie force) nous est donnée et que nous avons plaisir à prendre soin de notre âme pour qu’elle fructifie, comme le jardinier prend soin de son jardin. Non pas par devoir, mais par amour.
Isabelle Wienand, professeur de philosophie